Le centième anniversaire de la fin de la première guerre mondiale approche à grands pas. Au cours des quatre prochaines années, différents aspects de cet événement historique majeur vont refaire surface et être examinés sous un jour nouveau. Il y a plusieurs décennies déjà que la figure du « poète-soldat britannique » existe comme une entité bien connue. Cette catégorie regroupe seize hommes dans le célèbre coin des poètes de Westminster Abbey. Évoquez la poésie de la guerre de 14-18 devant un universitaire ou un étudiant des États-Unis, de Grande Bretagne, du Canada ou d’Australie et il y a fort à parier que les noms de Wilfred Owen, Siegfried Sassoon et Robert Graves lui viennent aux lèvres ou qu’il se mette à citer les vers consacrés aux «coquelicots rouge sang » dans le poème emblématique In Flanders Field. Rédigées sur les champs de bataille, leurs œuvres figurent régulièrement dans les manuels scolaires et les anthologies, comme le prouve l’exemple fameux du poème de Wilfred Owen, Dulce et décorum est que l’on a coutume de lire à la lumière de la fin tragique de l’auteur, tué au Canal de la Sambre à l’Oise, une semaine avant la signature de l’Armistice. Des romans populaires, notamment la trilogie Regeneration de Pat Barker (publiée entre 1991 et 1995), ont également contribué à ancrer dans la conscience collective cet archétype qu’est le poète-soldat britannique.
Poètes oubliés
​En dépit du fait que de nombreux poètes de grande renommée ont servi sous le drapeau français durant la Grande Guerre (que l’on pense à Apollinaire, Cendrars et Péguy), ils n’ont pas été encensés dans l’histoire de la littérature française comme l’ont été chez eux leurs alter ego britanniques. Lorsque des écrivains de la Première Guerre mondiale sont mentionnés ou font l’objet d’une commémoration, c’est au sein d’une catégorie plus générale, celle des « écrivains combattants », qui inclut des types variés d’hommes de lettres.
Contrairement à Westminster Abbey, qui honore un groupe restreint de poètes-soldats Anglais, le Panthéon accueille une série de plaques portant l’inscription « les hommages rendus le 15 octobre 1927 aux écrivains morts pour la France » où les noms de 560 soldats sont gravés. Le modeste square des Écrivains combattants, inauguré en 1928 dans un recoin tranquille du XVIème arrondissement de Paris, est un exemple supplémentaire de l’usage officiel de cette catégyurquoi la France n’a-t-elle pas célébré la mémoire de son groupe emblématique de poètes-soldats ? Dans sa récente étude intitulée Poètes de la Grande Guerre : Expérience combattante, activité poétique, Laurence Campa affirme de façon répétée que « dans leur grande majorité, les poètes de guerre français restent aujourd’hui méconnus. Quant à leurs œuvres poétiques, comme souvent la poésie de cette période, elles ont été, à quelques exceptions près, progressivement négligées, puis oubliées au cours du XXe siècle ».
​En vérité, la popularité des écrivains combattants a submergé le paysage littéraire français au cours de la Grande Guerre, ce qui a pu empêcher la création d’un groupe unifié de poètes comme ce fut le cas dans la tradition britannique, où les noms de Sassoon, Owen et Graves forment une catégorie identifiable. En raison des changements à grande échelle qui sont intervenus à la fin du dix-neuvième siècle dans le système éducatif français, ce fut la première fois qu’un nombre aussi considérable de soldats se retrouva sur le front en sachant lire et écrire, et en ayant préalablement cultivé une certaine familiarité avec la littérature. Le poilu ordinaire était invité à exprimer en vers les sentiments que la guerre lui inspirait, dans le but principal de défendre les intérêts de la cause nationale et de renforcer le patriotisme à l’arrière. La portée et l’étendue de cette littérature populaire, publiée dans les journaux français, en volumes et dans les livres de colporteurs, eut pour effet de démocratiser la poésie et, plus concrètement, de confondre dans l’imaginaire collectif l’ensemble des combattants avec les poètes-soldats. Des organisations telles que l’Association des Écrivains combattants, fondée en 1919, ont largement contribué à renforcer cette idée.
L’invention formelle au front
​Au même moment, l’oeuvre poétique de figures déjà bien établies dans le monde littéraire, comme Apollinaire  [ vedi articolo dedicato ad Apollinaire sul sito MUSEO ALESSANDRO ROCCAVILLA ] et Cendrars, n’était que rarement analysée en relation avec les circonstances matérielles de sa production : les tranchées.
La Première Guerre mondiale a éclaté au milieu d’une période particulièrement complexe dans l’histoire littéraire française, lorsque différents types d’expérimentations dans le domaine de la versification (notamment celles que menaient le Symbolisme et le Dadaïsme) coïncidaient avec un retour au classicisme. En raison de ce malheureux concours de circonstances, les réponses esthétiques au conflit ont considérablement varié dans leurs approches respectives. De nombreux poèmes de guerre sont restés prisonniers d’une esthétique résolument traditionnelle, fusionnant classicisme et patriotisme dans la majesté de leurs strophes. Au contraire, des expérimentations poétiques telles que les Calligrammes d’Apollinaire, si féconds en images, ou la prose poétique d’un Cendrars dans J’ai tué, ont cherché à bousculer de façon radicale les notions préconçues de forme et de contenu. Le travail d’Apollinaire, de Cendrars et d’un certain nombre d’autres poètes a été immédiatement introduit dans la continuité de l’histoire littéraire, mais une attention minime a été accordée au contexte biographique de sa production et à l’engagement politique de ses auteurs. Aujourd’hui, leur poésie est non seulement traitée comme un artefact des tranchées, mais elle est reléguée dans un oubli relatif où seule l’importance de sa contribution au modernisme est examinée.
​Il suffit pourtant de lire Anthem for Doomed Youth d’Owen en parallèle avec J’ai tué de Cendrars (ces deux textes ont été écrits en 1917-1918) pour remarquer combien l’oeuvre de Cendrars était novatrice pour l’époque.


Avec une tonalité élégiaque, le sonnet d’Owen pleure sur ces jeunes hommes qui « meurent comme du bétail ». En revanche, la poésie en prose de Cendrars transgresse les normes culturelles et littéraires en décrivant avec franchise et froideur cet acte tabou : tuer un autre homme sur le champ de bataille. À des années lumières en avance des strophes mélancoliques d’Owen, Cendrars condense progressivement les phrases de son texte, s’affranchissant des règles et des coutumes pour ne plus rédiger que des fragments, de sorte que le point culminant suggéré par le titre est rendu sur un ton agressif et crispé : « Et voilà qu’aujourd’hui j’ai le couteau à la main… Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité… Je vais braver l’homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent »2. Au lieu de pleurer les victimes, ces phrases fragmentées mettent en scène le tueur, une position radicale aujourd’hui encore.
​C’est un rôle de contre-exemple provocateur que doit jouer le groupe encensé des poètes-soldats britanniques. Des relectures fructueuses d’oeuvres modernistes telles que J’ai tué sont rendues possibles lorsque leur place au sein de la guerre est ouvertement reconnue.
Espérons que durant les années de commémoration qui nous attendent, la poésie française qui fut produite du fond des tranchées aussi bien que les poètes-soldats qui l’ont créée, sauront se détacher du groupe plus large des écrivains combattants morts pour la patrie.

Un grand nombre d’écrivains et de poètes ont été confrontés à la Première Guerre mondiale. Leur œuvre en fait écho. Certains y ont laissé leur vie : Charles Péguy, Alain-Fournier ; d’autres, une part physique d’eux-mêmes : Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire [ vedi articolo dedicato ad Apollinaire sul sito MUSEO ALESSANDRO ROCCAVILLA ].La poésie prit part au renforcement moral des millions de Français engagés dans les combats. Elle eut un rôle mobilisateur, venant même d’auteurs reconnus qui s’exprimaient depuis le confort de lieux étrangers au cataclysme. D’autres poètes s’exposèrent en première ligne. La boue, les tranchées, les corps-à-corps sanglants, la souffrance, les salves d’artillerie furent autant de thèmes qui les aidèrent à survivre ou à mourir. 


De Blaise Cendrars (1887-1961) le public ne connaît généralement que la légende d’un bourlingueur tournant dans la cage des méridiens. Les manuels décrivent cet ami des peintres Fernand Léger et Robert Delaunay comme un novateur de la poésie moderne et font généralement voisiner les Pâques à New York et La Prose du Transsibérien avec Zone, de Guillaume Apollinaire. Et l’on se souvient, bien sûr, d’un roman au succès mondial, L’Or. Aujourd’hui son œuvre resurgit dans l’actualité. En 2013, les deux premiers tomes de ses œuvres complètes, Œuvres autobiographiques I et II sont parus dans « La Pléiade » sous la direction de Claude Leroy. Signe des temps : Bernard Lavilliers propose une lecture des Pâques dans son dernier CD, Baron samedi. Les commémorations actuelles du conflit de 14-18 incitent les éditeurs à republier ses grands textes sur la guerre. Ainsi, Denoël propose un recueil, La Main coupée et autres récits de guerre, préfacé par Miriam Cendrars, la fille du poète.
Né en 1887 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) et naturalisé français en 1916, Cendrars s’engagea, en 1914, comme volontaire dans l’armée française et fut versé l’année suivante dans la Légion étrangère. Le 29 juillet 1914, il signa avec Ricciotto Canudo — poète et critique d’origine italienne, et autre grand animateur de l’avant-garde littéraire et artistique — un « Appel aux étrangers amis de la France » pour qu’ils prennent les armes par reconnaissance envers leur patrie d’adoption et défendent une civilisation d’élection contre les attaques germaines. Grièvement blessé lors de l’offensive de Champagne du 28 septembre 1915, il sera amputé du bras droit. De la Grande Guerre, il fut non seulement un acteur sur le terrain, mais aussi un témoin extrêmement lucide.
Sommet de la littérature de guerre, La Main coupée (1946) a été tenue en suspicion parce qu’elle se démarquait des récits canoniques du genre — Sous Verdun (1916), de Maurice Genevoix, Les Croix de bois (1919), de Roland Dorgelès, Le Feu (1916), d’Henri Barbusse —, où se déchargent les traumatismes de l’horreur, mais qui surtout glorifient les coude-à-coude et le courage des conscrits. Cendrars se distancie des envolées où s’égosillent trop de clairons…
BASSES-FOSSES, CRASSE, EAU CROUPIE, RATS…
La Main coupée se rapproche plutôt du Céline du Voyage au bout de la nuit (1932) et du Hemingway de L’Adieu aux armes (1929), dépeignant l’hébétude des sans-grade promis à l’anéantissement. Mais, ici, les scènes sanglantes sont bien plus atroces, à ras des lignes de feu : dans les basses-fosses, la crasse, l’eau croupie, les rats, entre l’éclatement des obus et les rafales de mitrailleuse… Les corps se vident, éviscérés, explosent en plein ciel comme sucés par des goules. Les sursitaires défèquent en piétinant avant de se pousser à la queue leu leu — comme du bétail qu’on va équarrir — dans les couloirs de la mort… car « la mort est le premier personnage du livre » … Et tous ces hommes couturés, mais chaleureux et aimant la vie, tous seront « tués, crevés, écrabouillés, anéantis, disloqués, oubliés, pulvérisés, réduits à zéro, et pour rien… ».
Quelle analyse du conflit l’auteur délivre-t-il ? Toutes ses illusions sautent comme des baudruches. Le chaos du front et l’incompétence des états-majors lui dévoilent l’hypocrisie des slogans brandis par les belligérants.
Le déclencheur des hostilités est le désir de s’approprier des territoires. Les marchands de canons fournissent le matériel. Les bailleurs de fonds se frottent les mains. Les entrepreneurs balayeront les ruines pour reconstruire à l’aide des techniques mises au point pendant l’effort de guerre. L’on arrache les prolétaires à leur foyer en leur représentant que des barbares attaquent la patrie, menacent leurs familles et leurs maigres biens. Comble de l’absurde — des deux côtés de la ligne de feu, des prêtres en uniforme, évêques, popes, pasteurs, rabbins, invoquent le même Seigneur des armées. De l’eau bénite pour aller à la poudre ! « Comment est-ce que les peuples pouvaient encore être dupes de tous ces mensonges ? » Dûment encadrée, la piétaille sera « offerte en holocauste sur l’autel féroce et vorace des patries, le pavillon couvrant l’ignoble marchandise offerte à l’encan, sacrifiée pour rien, jetée à la vidange, les tranchées refaisant le plein. Quel gâchis ! » Egorgés pour rien les moutons de Panurge… sauf pour défendre d’autres intérêts que les leurs…
D’emblée, l’armée en campagne reproduit la structuration sociale. Au lointain, dans un sfumato confortable, classes politiques et entente internationale des fabricants d’armes avancent leurs pions. A l’arrière, les décideurs, les galonnés, planqués et profiteurs, brillent par leur absence au feu. Et Cendrars voit à l’avant des lignes se déverser, déjetée, la masse des misérables pour qui le travail à la chaîne se transmute en travail de mort… « Il ne manquait qu’une sirène à l’entrée des boyaux pour rappeler aux pauvres bougres leur boulot à l’usine. » Depuis la Marne et la Somme, il se sent de cœur avec les pioupious envoyés au casse-pipes.
STRATÉGIES FOIREUSES
D’autre part, Cendrars s’aperçoit que les ordres tournent à vide. Les réglementations tiennent du labyrinthe kafkaïen, ne pouvant faire face à l’imprévu. La conduite de la bataille ? Dans le ciel platonicien des jeux d’échecs, des tableaux noirs, des drapelets piqués sur cartes, les autorités militaires font merveille… Sur le terrain, elles s’enlisent dans les crasses de la contingence… « Peut-être qu’à un échelon supérieur, quand tout se résume à des courbes et à des chiffres, à des directives générales, à la rédaction d’ordres méticuleusement ambigus dans leur précision, pouvant servir de canevas au délire de l’interprétation, peut-être qu’on a alors l’impression de se livrer à un art. Mais la fortune des armes est jeu du hasard. » Tout le déroulement de la guerre 14-18 a prouvé que les stratégies se révèlent foireuses, que les conflits échappent à tout contrôle… Cendrars voit s’inscrire sur le terrain « la faillite des écoles de guerre, les Allemands n’ayant pas su éviter la guerre des tranchées et les Français n’ayant pas su la prévoir, les uns et les autres n’arrivant pas à s’en dépêtrer ». La pagaïe… La théorie n’embraye par sur le réel…
Il y a pire encore. Non seulement les stratégies, mais aussi les mobiles logiques, s’avèrent des miroirs aux alouettes. Les attaquants pensent qu’ils se lancent dans des conquêtes. Les patriotes proclament qu’ils se défendent contre l’invasion. Bien sûr. Les historiens pointent des pommes de discorde. Ils découvrent de bonnes raisons aux massacres, estiment que l’Histoire est intelligible. Cette confiance procède d’une conception naïve de l’homme et du monde. Inconscientes, les impulsions belliqueuses échappent autant à l’élucidation qu’à la décision. Le plus haut degré de culture n’a jamais jugulé les accès d’agressivité ni empêché la poudre incendiaire de s’emparer, comme une épidémie, du psychisme pour détruire la civilisation. « Dévastation et ruines. C’est tout ce qui reste des civilisations. Pas une qui ne succombe à la guerre. Phénomène de la nature de l’homme. L’homme poursuit sa propre destruction. » La guerre de Troie aura lieu… Hector et Ulysse mesurent la vanité de leur bienveillance et se préparent au fracas des armes. A Sarajevo, le hasard jette François-Ferdinand devant son assassin. L’orage qui crève était déjà chargé. Les coups de feu du 28 juin 1914 fournissent la foudre… « C’est la jeunesse du monde qui a armé la main de Princep. Toute la terre, dans une fièvre secrète et furieuse, exigeait sourdement que Princep tire : les pays n’attendaient que le bruit de cet attentat pour s’élancer l’un contre l’autre. » La jeunesse du monde… il faut oser… L’Empire austro-hongrois tremblotait en fin de course. En dedans et autour, abcès et cancers avaient mûri. Le volcan devait exploser, brûlant le passé et fertilisant d’autres aires. Là où cède la cohésion interne — usure, vieillesse, bureaucratie —, rien ne s’oppose aux rouleaux de lave, à la dissolution dans le terreau des recompositions. Au désir de mort, finalement !
LA GUERRE, UNE FIN ÉCHAPPANT AU LIBRE ARBITRE
Cendrars assimile la guerre à une lame de fond provenant de la violence sous-jacente de la nature, une des pulsions à la fois déstabilisatrices et régénératrices du vouloir-vivre schopenhauerien, qui ouvre les vannes à de nouvelles configurations. Les hommes sont emportés comme fétus de paille par cette déferlante. Certains penseurs abondent dans ce sens. Roger Caillois, qui anima avec Georges Bataille et Michel Leiris le Collège de sociologie (1937-1939) et étudia dans L’Homme et le Sacré (1939) les mécanismes de l’imagination, décèle dans les conflits une fonction sacrée apparentée à l’orgie rituelle. Pour Gaston Bouthoul, fondateur de l’Institut français de polémologie (1945) et auteur du célèbre Les Guerres. Eléments de polémologie (1951), la guerre n’est pas un moyen, mais une fin échappant au libre arbitre, et les peuples nourrissent leurs irrépressibles poussées d’agressivité de motifs illusoires. Une vague comparable à un gigantisme porte à leur sommet des collectivités tandis que s’écrasent leurs rivales. La jeunesse ? Une relève des agrégats au rythme des dissipations…

Le rat cloué sur la Roue des choses ne pense qu’à sauver sa peau. Dans les incantations haletantes de J’ai tué flamboie la rage de survivre. Le nettoyeur de tranchées passe à l’attaque et, l’eustache à la main, décolle la tête d’un boche. « J’ai frappé le premier. J’ai le sens de la réalité, moi, poète. J’ai agi. J’ai tué. Comme celui qui veut vivre. » Action antagoniste suprême… Dans la fournaise, cette violence primale ne s’accroche à aucun alibi, ne procède d’aucune raison supérieure. Voilà qui choqua durablement de bons esprits. Aragon parlait du « type de J’ai tué »…
Pendant l’entre-deux-guerres, Cendrars ignora la condamnation de tout militarisme par les surréalistes, ne prit part à aucune des polémiques où s’agitait l’intelligentsia — nationalisme versus internationalisme —, ne se sentit guère concerné par le pacifisme d’un Romain Rolland ni des écrivains prolétariens regroupés autour de Barbusse. Il en avait trop vu… Il ne tira ni gloriole ni prérogative de son statut de mutilé. N’adhéra même pas à l’Association des écrivains combattants.

“Solo uno spirito disperato può raggiungere la serenità, e per essere disperati bisogna aver molto vissuto e amare ancora il mondo”.

L’aforisma è di Blaise Cendrars (1887-1961), pseudonimo di Frédéric Sauser-Hall. . Le parole sopra riportate sono la fotografia del personaggio. Cendrars non gode di grande popolarità (ingiustamente) perché fu scrittore originale, lontano quanto mai dalle ben note consorterie letterarie. Queste consorterie non vanno demonizzate, ma di certo ridimensionate e non per desideri semplicistici, o invidie senza speranza, quanto per varie caratteristiche implosive insite in un accademismo senza autentici ricambi. E’ evidente che la mancanza di spunti nuovi faccia del mondo letterario ufficiale un elegante mortorio, per lo più.
La difesa del mondo in questione è affidata al sistema che lo tollera e protegge come un di più decorativo, una garanzia di bon ton nel comportamento del sistema stesso. Gente come Blaise Cendrars è un disturbo per la macchina che richiede consensi ad occhi chiusi. La si fa tacere non pubblicizzando i suoi libri, emarginandola. Ma un minimo di dignità, che, grazie al cielo, alligna nel cuore di ogni essere umano, impedisce la cancellazione di veri e propri eroi intellettuali, verso i quali opera una sorta di soggezione che li fa continuamente vivi ed esemplari, per fortuna.
Cendrars visse un’esistenza particolare, sempre in movimento, sempre alla ricerca di nuove esperienze. Il Nostro fu nella Legione Straniera e partecipò alla Prima guerra mondiale, dove perse l’avambraccio destro. Divenne per forza di cose mancino. Molto più tardi ne scrisse in un libro: “La mano mozza”. Non numerose le sue opere e tutte originali, quasi sperimentali, sia i romanzi che le poesie. Queste ultime furono raccolte in due volumi alla fine degli anni Sessanta. Per campare Cendrars fece anche lo sceneggiatore (per il famoso Abel Gance nel film “La strada”, 1923) e divenne saggista per diverse pubblicazioni
Forse più interessanti delle poesie sono i romanzi (“L’oro”, “La vita pericolosa”, da segnalare fra gli altri) sui quali campeggia, in modo perentorio, “Ho ucciso”, del 1918: una ricostruzione dei fatti che lo videro soldato in prima linea ed assassino involontario. In particolare, il Nostro descrive un assalto all’arma bianca con successivo sgozzamento di un nemico, la cui testa quasi si staccò dal busto, dato l’impeto del colpo (la cosa stupì il soldatino e lo inebriò per aver avuta salva la propria vita).
Il carattere degli scritti di Blaise Cendrars è già pienamente contenuto nella descrizione degli stati d’animo del soldato che teme di marcire in trincea e che ancora di più ha il terrore degli assalti irrazionali che continuamente vengono ordinati. Chi non obbedisce viene ammazzato dai suoi stessi compagni: una follia a ripetizione che non conosce rimedio. Carne da macello, senza rispetto per lo spirito che alberga in essa! Il soldato Cendrars è incredulo, è disorientato, si sente abbattuto da un male assurdo, inconcepibile.
La sua reazione è un vitalismo incontenibile che cerca ragioni di vita: le cerca in senso creativo, cioè le pretende nel nome di un diritto esistenziale che ha credenziali serie. Cendrars espone queste credenziali con una prosa decisa, quasi aggressiva, rompendo gli schemi imploranti della precedente letteratura romantica e decadente. La novità, portata avanti in maniera lucida, con carattere e con convinzione, dopo aver suggestionato Apollinaire, troverà sviluppi persino nella poetica straordinaria di Valery Larbaud.
Blaise Cendrars può essere considerato un anticipatore dell’espressione artistica del XX secolo, definita moderna ed anche diversa da ogni altra forma artistica del passato in quanto basata su un protagonismo diretto e non indiretto come era stato costume per secoli. Il Nostro è senz’altro fra i responsabili dell’avvio di un’avventura espressiva del tutto nuova di cui ancora non sappiamo capacitarci doverosamente, ma di cui godiamo tutta l’inaspettata apertura esplorativa e speculativa.


Charles Péguy a fait son devoir d’officier dès la déclaration de la Première Guerre mondiale. Il a quitté les siens pour répondre à la mobilisation de la République, defendre la Nation et son drapeau. Il est mort en première ligne, le 5 septembre 1914 en motivant ses soldats auxquels il criait: « Tirez, tirez, nom de Dieu ». Même s’il est écrit sur sa fiche individuelle qu’il a été tué à l’ennemi comme tant d’autres, son parcours méritait d’être relaté. En cette année du centenaire de la disparition de Charles Péguy, l’historien Jean-Pierre Rioux lui consacre un livre d’une rare qualité. De fait, Péguy est entré dans l’histoire et c’est avec gravité et un immense respect que le général de Gaulle, l’homme de l’appel du 18 juin 1940 le cite. Comme ce 18 juin 1942 à l’Albert Hall de Londres, lors du deuxième anniversaire de cet appel puissant qui l’a déjà fait entrer dans l’histoire, il retient ce vers tiré d’Eve: « Mère voyez vos fils qui se sont tant battus ». Le Général a su trouvé dans l’œuvre même du patriote des mots qui portent, ceux qui sont aussi d’un écrivain mort pour la France.
Péguy qui a été un peu délaissé revient au goût de l’étude, et c’est heureux parce qu’il le mérite. Rioux y apporte sa pierre et cite Jean Guéhenno: « Il est mort comme tous les autres dans l’absurdité de son temps mais dans l’entêtement et la rigueur de sa seule pensée ». Peut-être parce qu’on comprend, enfin, que Charles Péguy traduit par les mots l’espérance même si d’autre lui préfèrent, ce qui n’est pas faux, celle d’un poète: » premier soldat de la pensée française ». Avant même les chocs violents du front alors que les hommes éreintés par un transport via Sézanne, Vitry-le-François, Bar-le-Duc arrivent à Saint-Mihiel, Victor Boudon parle ainsi de son lieutenant Charles Péguy: « Notre lieutenant est là qui préside d’un air bienveillant à l’équipement et à l’armement. Sa fermeté, son énergie toute paternelle lui ont de suite conquis l’affection des hommes qui ne connaissent pas encore ce lieutenant que l’on voit partout à la fois, toujours prêt, le premier au rassemblement courant, se démenant, tel un maître d’école surveillant ses élèves ».
Jean-Pierre Rioux dresse un portrait étonnant de Péguy s’appuyant sur le journal de marche du 276e RI mais aussi sur combien de témoignages de ceux qui l’ont connu, jusqu’aux courriers de sa femme Charlotte qui avec style, simplicité et humilité témoigne de son amour pour l’homme de lettres époux pour toujours. On vit les dernières heures, les derniers instants du lieutenant. Lorsqu’il tombe ce 5 septembre 1914, le 276e perd plus de 20 % de ses effectifs. La compagnie de Péguy en perd 40 %. Péguy est mort debout en officier fort de ses responsabiltiés, en Français sûr de son sacrifice. Victor Boudon écrit encore: « Il se dresse comme un défi à la mitraille, semblant appeler cette mort qu’il glorifiait dans ses vers. Au même instant, une balle meurtrière fracasse la tête de ce héros, brise ce front généreux et noble. Il est tombé sans un cri ayant eu dans le recul des barbares, l’ultime vision de la victoire proche ».
Claude Casimir-Perrier écrit ceci à Charlotte Péguy au lendemain de la mort de son mari: » Péguy a été tué en brave, debout devant ses hommes, face à l’ennemi. Il est mort comme il a vécu : en brave. Tout le régiment est en deuil. C’était notre ancien et notre maître, sa place ne sera pas reprise ».


 

Henri Alban Fournier. Ce n’est qu’en décembre 1907 qu’il choisit ce demi-pseudonyme littéraire Alain, en faisant paraître dans La Grande Revue un article intitulé « Le corps de la femme », pour se distinguer d’un célèbre coureur automobile de l’époque

Henri Fournier est né le 3 octobre 1886 à la Chapelle-d’Angillon, au nord du département du Cher, dans la petite maison de ses grands-parents maternels. Fils d’instituteurs, il passe son enfance en Berry. Après cinq années passées à Marçais, près de Saint-Amand-Monrond, il suit son père, nommé en 1891 directeur de l’école d’Epineuil-le-Fleuriel, le dernier village au sud du département, non loin de Montluçon.

L’enfant y sera son élève jusqu’en 1898, avant d’entrer en sixième, comme pensionnaire au lycée Voltaire à Paris, où il restera trois ans. En 1901, songeant à devenir marin, il rentre en seconde au lycée de Brest pour préparer l’Ecole Navale. Mais il y renonce au bout d’un an et vient, en janvier 1903, passer son baccalauréat au lycée de Bourges.
En octobre 1903, Henri Fournier va préparer l’Ecole normale supérieure au lycée Lakanal à Sceaux. C’est là qu’il rencontre Jacques Rivière, jeune bourgeois bordelais qui devient bientôt son meilleur ami.
A partir de 1905, ils échangeront jusqu’en 1914 une importante et passionnante correspondance. Jacques deviendra, en 1909, son beau-frère en épousant Isabelle Fournier, de trois ans plus jeune que son frère. 

Le 1er juin 1905, jour de l’Ascension, Henri Fournier, étudiant au lycée Lakanal, vient de visiter le « Salon de la Nationale » au Grand Palais. En descendant l’escalier de pierre, son regard croise celui d’une jeune fille blonde, élégante, élancée, une vieille dame appuyée à son bras. Il la suit jusqu’au Cours-la-Reine, puis sur un bateau où elle s’embarque ; il la suit à distance jusqu’à sa maison du boulevard Saint-Germain. Il revient plusieurs fois sous ses fenêtres les jours suivants.
Un soir, il aperçoit derrière la vitre le visage de la jeune fille, souriant de le retrouver là.

Le lendemain matin, dimanche de la Pentecôte, il revient en uniforme de collégien, et la jeune fille sort de cette maison, vêtue d’un grand manteau marron. Avant qu’elle prenne le tramway, il l’accoste et murmure : « Vous êtes belle ». Elle hâte le pas, il monte derrière elle jusqu’à l’église Saint-Germain-des-Prés. A la sortie de la messe, il ose l’aborder à nouveau et c’est « la grande, belle, étrange et mystérieuse conversation » entre ces deux jeunes êtres qui, jusqu’au pont des Invalides vont laisser vivre leur rêve ; elle lui demande son nom, qu’il lui dit. Elle hésite une seconde , puis « le regardant bien droit, pleine de noblesse et de confiance elle dit fièrement : Mon nom ? je suis mademoiselle Yvonne de Quiévrecourt. »
Mais elle répète : « A quoi bon ? à quoi bon ? », frémissante comme une hirondelle qui déjà tremble du désir de reprendre son vol ; elle lui défend de la suivre. Il la regarde s’en aller ; elle se retourne vers lui qu’elle vient de quitter et, une dernière fois, elle le regarde longuement.
Cette rencontre, dont il a noté tous les détails, dès les jours suivants, va déterminer la vie entière du futur écrivain. Il la transposera presque littéralement dans Le Grand Meaulnes. Pendant huit ans, l’auteur s’efforcera de raconter son histoire en l’associant à ses plus chers souvenirs d’enfance.
En mai 1906, le jour anniversaire de leur rencontre, Alain-Fournier guette vainement la jeune fille et confie le soir même à Jacques Rivière : « Elle n’est pas venue. D’ailleurs fut-elle venue, qu’elle n’aurait pas été la même ». Cette année-là, il échoue au concours d’entrée à l’Ecole Normale.
En juillet 1907, au terme d’une ultime année préparatoire au lycée Louis-Le-Grand, il échoue de nouveau à l’Ecole Normale. Le lendemain, il apprend qu’Yvonne de Quiévrecourt est mariée depuis près d’un an. Il va passer une quinzaine de jours de vacances à Cenon dans la famille de son ami Jacques, qu’il reçoit ensuite chez ses parents à La Chapelle d’Angillon.
A partir d’octobre 1907 et jusqu’en septembre 1909, il fait son service militaire, d’abord à Vincennes et à Paris : après le peloton d’élève-officier à Laval, il est nommé sous-lieutenant à Mirande (Gers). Toujours hanté par le souvenir d’Yvonne, il écrit quelques poèmes, contes et nouvelles qui seront publiés après sa mort par jacques et Isabelle Rivière sous le titre Miracles. 
Après son service militaire, Alain-Fournier cherche un emploi, il trouve en avril 1910 un poste de rédacteur à Paris-Journal. Il rencontre Jeanne Bruneau, une jeune modiste, originaire de Bourges. Il se donne d’abord tout entier à elle, mais elle ne le comprend pas. Le 19 octobre 1910, il écrit à Jacques et sa sœur : « C’est fini ». Ils se reverront pourtant et la rupture définitive ne se produira qu’au mois d’avril 1912. Alain-Fournier confiera dans sa correspondance : « J’ai fait tout cela pour me prouver à moi-même que je n’avais pas trouvé l’amour. »
A partir de 1910, Alain-Fournier, installé rue Cassini, se met pour de bon à l’écriture du Grand Meaulnes. En 1912, il quitte la rédaction de Paris-Journal, devient le secrétaire de Claude Casimir-Perier avant d’entamer avec la femme de ce dernier, la célèbre actrice « Madame Simone », de son vrai nom Pauline Benda, une liaison passionnée.
Pendant l’été de 1913, huit ans après la rencontre du Grand Palais, Alain-Fournier revoit une dernière fois à Rochefort Yvonne Brochet, désormais mère de deux enfants. Après lui avoir remis une lettre écrite un an plus tôt, il la quitte pour toujours et revient vers Simone.
Achevé au début de 1913, Le Grand Meaulnes paraît d’abord dans La Nouvelle Revue Française (de juillet à novembre 1913), puis en volume chez Emile-Paul. Sélectionné pour le prix Goncourt, le roman obtient 5 voix au dixième tour de scrutin. Pourtant au onzième tour, c’est Le Peuple de la Mer de Marc Elder qui sera couronné. La presse est cependant très élogieuse. Au début de 1914, Alain-Fournier ébauche une pièce de théâtre, La Maison dans la forêt, et commence un nouveau roman, Colombe Blanchet, qui restera inachevé.
Mobilisé dès la déclaration de guerre, le 1er août 1914, Alain Fournier, alors en vacances à Cambo-les-Bains avec Simone, rejoint Mirande, puis le front de Lorraine comme lieutenant d’infanterie, le 23 août ; il participe à trois batailles très meurtrières autour de Verdun. Fin septembre, il est porté disparu, au cours d’un combat dans le bois de Saint-Remy, sur la crête des Hauts-de-Meuse. On saura plus tard qu’il a été tué ainsi que son capitaine et plusieurs autres hommes de son régiment, dans l’après-midi du 22 septembre. Il n’avait pas encore vingt-huit ans. 
Ses restes n’ont été découverts qu’en mai 1991 dans une fosse commune où les Allemands l’avaient enterré avec vingt de ses compagnons d’armes. Identifié six mois plus tard, son corps est maintenant inhumé avec ceux de ses compagnons d’armes dans le cimetière militaire de Saint-Remy-la-Calonne (Meuse).


 

HENRY BORDEAUX    Né à Thonon-les-Bains, le 25 janvier 1870.
Fils d’avocat, Henry Bordeaux perpétua la tradition familiale et fit des études de droit, à Paris. Licencié ès lettres et en droit, il s’inscrivit en 1889 au barreau de Thonon. Après avoir exercé pendant quelques années à Paris, puis dans sa ville natale où l’avait rappelé la mort de son père, il choisit à partir de 1900 de se consacrer aux lettres, et entama une brillante carrière de romancier.
Ses nombreux romans, parmi lesquels on compte notamment Le Pays natal (1900), La Peur de vivre (1902), La Petite mademoiselle (1905), Les Roquevillard (1906), Les Yeux qui s’ouvrent (1908), La Croisée des chemins (1909), La Robe de laine (1910), La Neige sur les pas (1911), La Maison (1913), La Résurrection de la chair (1920), La Chartreuse du reposoir (1924), La Revenante (1932), s’inscrivent dans la lignée de ceux d’un Paul Bourget, à qui il écrivit : « Il me semble que si, quelque lien rattache mes romans les uns aux autres, ce lien serait le sens de la famille ».
Les romans d’Henry Bordeaux, qui pour la plupart ont pour cadre sa Savoie natale, sont en effet un hymne sans cesse renouvelé à la famille et aux valeurs traditionnelles, religieuses et morales, dont elle est la garante.
On doit également à Henry Bordeaux, des recueils de contes et nouvelles, et plusieurs essais critiques. Il rédigea enfin ses mémoires, parus en 11 volumes de 1951 à 1966, sous le titre Histoire d’une vie.
Henry Bordeaux fut élu à l’Académie française, le 22 mai 1919, au fauteuil de Jules Lemaître, par 20 voix au premier tour. Déjà candidat à ce même fauteuil contre Abel Bonnard, l’année précédente, il n’avait obtenu que 13 voix et le scrutin s’était soldé par une élection blanche. Henri de Régnier le reçut, le 27 mai 1920.
Henry Bordeaux devait siéger à l’Académie française pendant plus de quarante ans et en devenir le doyen d’âge et d’élection. Il reçut sous la Coupole nombre de ses confrères : Henri Brémond en 1924, Louis Madelin en 1929, Charles Le Goffic en 1931, Georges Duhamel en 1937, Charles Maurras en 1939, René Grousset en 1947.
Henry Bordeaux a laissé de son passage quai Conti un témoignage intitulé Quarante ans chez les quarante.
Mort le 29 mars 1963.


 

PIERRE CHAINE (1882-1963) est un écrivain français. Quand éclate la Première Guerre mondiale, il est très tôt envoyé au combat. C’est dans les tranchées, en 1915, qu’il écrit le récit satirique qui le rendra célèbre : Mémoires d’un rat, d’abord publié en feuilleton dans un journal pacifiste très populaire. En 1918, Pierre Chaine écrira la suite : Commentaires de Ferdinand, ancien rat de tranchées.

 

 

 

 


 

Paul Tuffrau a vécu la première partie de sa jeunesse à Bordeaux, où il a effectué des études secondaires brillantes. Particulièrement attiré par le pays basque tout proche, il y a fait, jeune homme, de longues promenades, au cours desquelles il écrivit des récits qui seront publiés en 2002, après sa mort, sous le nom d’Anatcho. C’est, en réalité, une suite de souvenirs personnels d’une région qu’il a profondément aimée, mêlés de rêveries le soir dans la montagne, de légendes glanées au fil de ses promenades. On y sent une certaine nostalgie à l’évocation de ce pays mystérieux dont les traditions, il le sent bien, sont appelées à disparaître, et également l’attraction de l’Espagne, encore inconnue de lui. Ces récits, d’un style vivant et coloré, manifestent déjà un vrai talent d’écriture et une profonde humanité. Paul Tuffrau vient préparer à Paris, dans la khâgne du lycée Louis-le-Grand, le concours de l’École normale supérieure, où il entrera en 1908, dans les tout premiers. Il sera, en 1911, et de façon toute aussi brillante, reçu au concours d’agrégation de lettres. Les trois années passées rue d’Ulm à l’École Normale marquent un tournant dans sa vie. Elles sont une sorte de “respiration”, le mettant en contact avec un monde nouveau, plus large que celui de Bordeaux. Il découvre Paris et passe des heures au musée du Louvre. Il suit les expositions d’André Lhote. Il va entendre parfois chez Colonne du Beethoven… Il y a, dans ce milieu de jeunes intellectuels dont il fait partie, une sorte d’appétit, d’effervescence, dont ses carnets témoignent. Tout les intéresse. Discussions sur la littérature, la philosophie, les arts, la musique. Fascination pour les écrivains russes, et en particulier pour Tolstoï. Ils parlent politique, peinture, littérature, discutent aussi bien de Platon, de Virgile que de Kipling, de Farrère « ou des grandes visions de Wells ». Leurs causeries sont intarissables et tous sont tentés par l’écriture; bien souvent ils se montrent leurs essais. Paul Tuffrau admire notamment les étonnants dons poétiques, parfois teintés d’imagination fantasque, de Bernard Marcotte, l’un de ses camarades, qu’il a connu en khâgne, et qui mourra des suites de la guerre. Il préfacera aussi les œuvres, éditées en 1923, de Georges Pancol, son condisciple au lycée de Bordeaux, poète, tué sur le front en Champagne en 1915. Il discute souvent avec René Bichet (normalien, promotion 1907), « le petit B », ami d’Alain-Fournier et de Jacques Rivière, René Bichet avec lequel il correspondra régulièrement jusqu’à la mort de ce dernier en 1912. Il est très lié également avec Jean Wahl, normalien comme lui (promotion 1907), élève de Bergson, et qui sera aussi philosophe, et il entretient avec Romain Rolland des relations très amicales et une correspondance très suivie. Mais la guerre éclate, et Paul Tuffrau part en août 1914 comme sous-lieutenant de réserve. Blessé plusieurs fois pendant ces quatre années de guerre, il refusera d’être évacué, sauf durant un mois en 1917. Il recevra, le visage bandé, la Légion d’honneur sur le front des troupes. Il termine la guerre Croix de Guerre, chef de bataillon dans l’armée du général Mangin et achève l’année 1918 comme commandant de place à Sarrelouis. Pendant toute la durée de la guerre, il a partagé, au quotidien, dans les tranchées, avec ses hommes et ses camarades, leur vie, leurs souffrances… Plus tard il reverra les champs de bataille de la Marne, où, dans les tragiques combats de 1914, il faillit être tué – tout près d’ailleurs de l’endroit où, le même jour, est tombé Péguy qu’il avait rencontré peu de temps auparavant chez Romain Rolland. Il a constaté que, trop souvent, des ordres inadaptés étaient transmis par des États-majors qui ne connaissaient pas le terrain, et qui, faute de compétence vraie, exposaient des vies bien inutilement. Il lui était impossible de le dire en pleine guerre, dans les articles où il décrivait la vie dans les tranchées, les combats, articles qu’il envoyait régulièrement au quotidien “Le Journal” sous le pseudonyme de Lieutenant E.R. et qui seront édités en 1917 par Payot sous le nom de Carnet d’un Combattant. Mais il tient des carnets où il note tout au jour le jour et ces carnets seront publiés, après sa mort, en 1998, sous le titre 1914-1918 – Quatre Années sur le Front. Carnets d’un Combattant. Ce qui en fait le côté très particulier, c’est non seulement qu’ils ont été écrits par un homme qui a participé pleinement aux combats tout au long des quatre années de guerre – et, à ce titre, il s’agit d’un témoignage saisissant – mais aussi qu’ils sont le fait d’un écrivain et d’un véritable humaniste. Paul Tuffrau passe de tranchée en tranchée, exposé comme tous aux balles, aux grenades, aux obus qui éclatent autour d’eux, mais, lorsque les combats se calment, il reste sensible à la beauté des paysages, à la douceur du printemps, au charme des villages qu’il traverse. Il ne peut un instant oublier la guerre, dont il est partie prenante, mais le contraste entre son engagement et sa disponibilité à voir ce qui l’entoure, fait de ces notes une œuvre singulière. À la fin de la guerre, il rejoint à Vendôme, où il était professeur jusqu’en 1914, sa femme, Andrée Lavieille, artiste peintre, qu’il a épousée en août 1912, et dont la sensibilité, l’amour de la nature, ainsi que les qualités humaines de simplicité, de réserve et aussi de fantaisie, correspondent aux siennes. Il est alors nommé au lycée de Chartres, puis au lycée Louis-le-Grand à Paris comme professeur de khâgne, enfin à l’École polytechnique où il sera titulaire de la chaire d’histoire et de littérature jusqu’en 1958. Son enseignement marquera tous ceux qui ont l’ont eu comme professeur, ainsi Georges Pompidou en khâgne. Réengagé en 1939, il prend part aux terribles combats des ponts d’Orléans en mai 1940, et sa vie est, pendant l’occupation, partagée entre Lyon où se trouvait alors l’École polytechnique, et Paris où est le domicile familial. Ses notes ont été publiées en 2002 sous le titre De la “drôle de guerre” à la Libération de Paris (1939-1944).


 

 Saint-Junien 1895 – 1987 – Georges Gaudy est mobilisé à partir de février 1916 et combat jusqu’à la fin de la guerre au sein du 57e RI.- Le 16 avril 1917, il est sur le Chemin des Dames, dans le secteur de Vassogne, pour exploiter le supposé succès des régiments de première ligne vers Laon. Il peut donc observer l’offensive, son échec et décrire les dégâts (notamment sur les troupes sénégalaises).- Les 5 et 6 mai, il participe à l’attaque sur le plateau des Casemates.- Début juin 1918 il combat à nouveau dans l’Aisne, au Sud de Soissons, près de Vauxbuin.- Après guerre, Georges Gaudy commence une carrière d’écrivain et s’engage aux côtés de l’Action française. Il publie ses souvenirs en 4 volumes : Les trous d’obus de Verdun (1922), Le Chemin des Dames en feu (1923), L’agonie du Mont-Renaud (1921) et Le drame à Saconin et l’épopée sur l’Ingon (1930). Jean Norton Cru est assez sévère avec lui. « L’œuvre de Gaudy reste l’œuvre d’un jeune qui n’a pas su acquérir à la guerre la maturité que d’autres ont acquise. Il sait nous donner le pittoresque, rarement le poignant, et jamais ce qui est vraiment profond. » (Témoins) Réponse de Georges Gaudy

 


ARTICOLO  REDATTO DALLE ALLIEVE DILETTA CELERE, CECILIA TONELLI E LUISA JASMINE MENDEZ DELLA CLASSE VD DEL LICEO LINGUISTICO  SOTTO L’ATTENTA SUPERFISIONE DELLA PROFESSORESSA MAFFEIS E DEI PROFESSORI MASSIMILIANO FRANCO E MARCO CASTELLI.